Le recruteur de cadres survivra-t-il à l’intelligence artificielle?

De façon sporadique, on prédit la fin des recruteurs de cadres. Exerçant cette profession depuis près de 20 ans, je peux confirmer que les vagues successives de transformation des outils de travail/communication ont amené leur lot d’inquiétudes. Nous sommes passés de l’ère du cv papier à l’ère de l’infonuagique en un clin d’œil!

Pourtant, on parle d’intelligence artificielle depuis les années 1950. Déjà, les scientifiques rêvaient de créer une machine intelligente, qui soulagerait l’humain des tâches répétitives et laborieuses. On cherchait à créer des programmes informatiques qui permettraient de nourrir la machine, de lui faire faire des tâches aussi bien sinon mieux que l’humain.

Puisqu’il est facile de s’y perdre avec tout ce lexique scientifique, allons-y de quelques définitions simples.

Quelques définitions :

Qu’est-ce que le Big Data :

C’est un volume massif de données, de sources variées transmis à grande vitesse (on fait référence aux 3V).

L’utilisation quotidienne des applications telles que FaceBook, Instagram ou autres moyens similaires alliée à un meilleur stockage des données à moindre coût a permis la possibilité de rentabiliser ces données que nous offrons librement et gratuitement, la plupart du temps.

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle IA? :

C’est un ensemble de concepts et de programmes informatiques capables de simuler certains traits de l’intelligence humaine en vue de réaliser des tâches complexes. Les mathématiques, les algorithmes, les sciences cognitives sont notamment utilisées dans cette science qu’est l’intelligence artificielle. On veut à terme bâtir une « machine » pouvant simuler le processus décisionnel humain.

Plus simplement, on peut résumer l’IA ainsi : ensemble d’algorithmes conférant à une machine des capacités d’analyse et de décision lui permettant de s’adapter intelligemment aux situations en faisant des prédictions à partir de données déjà acquises.

Les effets du progrès technologique sont présents depuis la révolution industrielle. Le cinéma nous a ouvert l’imagination sur ce que pourrait être nos vies futures avec des cyborg (qu’on pense à des films tel que Total Recall ou Predator). Ces robots à l’apparence humaine sont maintenant une réalité.

Déjà, en 1997, l’ordinateur Deep Blue qui a vaincu le célèbre Garry Kasparov aux échecs pouvait traiter 200 millions de positions à la seconde. Les choses ont continué d’évoluer rapidement et ce, dans différentes sphères.

Quelques exemples

L’intelligence artificielle permet de reconnaître un individu parmi une foule (reconnaissance faciale).

L’IA permet de générer de la musique (voir le modèle Magenta de Google).

L’IA propose des assistants vocaux (qui n’a pas déjà discuté avec Siri ou Alexa?)

L’IA prend forme derrière le projet de voiture autonome. À partir de programmes variés, de données multiples, on teste depuis quelques années des voitures sans conducteur. Cette voiture comprendra les consignes dictées par le passager, décidera d’éviter un obstacle se trouvant sur sa voie ou passera par-dessus, freinera à la lumière rouge ou continuera sa route si un impact arrière est prévisible.

Les possibilités sont infinies et bien malin celui qui pourra prédire l’avenir l’ampleur que l’IA aura sur nos vies dans un futur pas si lointain.

Et le recrutement dans tout ça?

L’IA est déjà présente dans le processus de recrutement. Qu’on pense aux outils maintenant disponibles pour faciliter le traitement de cv, la pré-sélection pour certains types de postes, l’analyse de profils. Certes, les grandes entreprises ont davantage de moyens pour acheter ces outils ou les développer à l’interne.

Les initiatives nous rappellent les limites actuelles de l’IA. Soulignons ici que le géant Amazon a créé une équipe dédiée au développement d’un outil de recrutement ayant pour but d’atteindre la parité et d’éliminer les biais.  À partir de profils d’employés à succès, on a alimenté la machine de différents algorithmes apte à reconnaître dans les cv reçus ceux qui semblaient les mieux enlignés sur les modèles à succès. Plutôt que de voir se réduire l’écart hommes/femmes dans les départements au moment de nouvelles embauches, on a plutôt constaté le contraire. La raison est apparue de façon évidente : Amazon existe depuis 25 ans et combien de femmes trouvait-on à ce moment dans le merveilleux monde des TI? Très peu. Donc, les modèles identifiés étaient largement des modèles de candidatures masculines. Par conséquent, dès que la machine analysait un cv provenant d’une femme, elle le lisait avec un biais qui avait été introduit au départ dans les algorithmes. Inutile de dire que la haute direction d’Amazon a mis fin au projet. Mais cela ne constitue pas un échec pour autant. Il est plus que probable que cette expérience permette de raffiner les méthodes et les développements de l’IA.

La rareté de talents nous force à être créatif et à développer des outils qui augmenteront la rapidité des échanges entre les individus. Certes, les chabots (agent conversationnel) peuvent servir à collecter certaines données lors d’un échange entre un candidat qui visite la section Emploi d’une entreprise. Mais une fois que l’IA détecte un intérêt potentiel avec ce candidat, qu’arrive-t-il? Un suivi humain est encore essentiel pour qualifier le candidat et pour valider ses intentions. Ce dernier peut avoir des questions à poser avant de vouloir transmettre son cv. Il voudra avoir une conversation réelle et non virtuelle. C’est d’autant plus vrai lorsqu’on recrute pour des postes cadres. Ici, la qualité de l’interaction est la clé de la réussite.

Qu’en est-il du recruteur de cadres?

Le recruteur de cadres est un professionnel de l’identification et de l’approche direct des candidats (habituellement passifs) visant à leur présenter un mandat unique chez son client. Son approche personnalisée, son expertise du marché et des enjeux d’affaires, sa rigueur et sa discrétion en font un conseiller indispensable. Tout au long du processus de recrutement, il guide son client mais aussi les candidats qui seront reçus en vue de combler un poste stratégique.

Revenons aux valeurs si vous le voulez bien. Cet aspect vaut tant pour l’entreprise que pour le candidat. Une compatibilité avec la culture d’entreprise y va de soi. Il s’agit d’une notion volatile, appeler à se transformer. Une entreprise peut avoir des valeurs conservatrices et au gré d’un changement de propriétaire ou de haut dirigeant, elle peut prendre un tournant vers autre chose. Il en va de même pour les candidats. Les valeurs changent au fil des événements de la vie (il peut être plus difficile d’occuper des fonctions à haut taux de déplacement lorsqu’on a une jeune famille par exemple).

Un recruteur de cadres ne prend jamais rien pour acquis. Il documente ses dossiers et maintient le dialogue avec ses candidats. Cela lui permet de faire le point avec eux et qui sait, de leur présenter l’opportunité qui leur convient cette fois!

De plus, le recruteur de cadres conseillera son client, le guidera dans l’élaboration du profil recherché, lui fera part de l’état du marché, lui proposera des candidatures qu’il n’aurait peut-être pas considérés autrement. Il exercera un biais positif et fort utile.

L’IA est déjà dans notre quotidien

La ligne est de plus en plus mince entre notre vie professionnelle et notre vie personnelle. On consulte nos plateformes Facebook pendant les pauses-repas. On flâne du côté de Linkedin en soirée. À chaque fois qu’on ouvre ces réseaux, les données s’échangent, se parlent et nous parlent. En nous proposant des liens, en nous suggérant des articles qui répondent à notre profil bref, la rapidité de l’évolution de l’IA nous force à être en constant changement.

Le recruteur de cadres a démontré sa capacité d’adaptation par le passé. Et il continue de le faire en intégrant les différentes innovations technologiques. Bien au fait des transformations qui affectent les entreprises, le recruteur de cadres est en excellente position pour redéfinir les profils qui seront les plus recherchés au cours des prochaines années. Par exemple, une entreprise qui décide de prendre le virage Manufacturier 4.0 (concept datant de 2011 visant la connectivité des données et des objets) vivra un changement significatif: l’automatisation va éliminer des postes et des responsabilités pour en créer d’autres. Les équipes de travail seront réduites mais en contrepartie, on aura besoin de gestionnaires possédant les capacités à diriger des cellules de travail hautement compétente. Ce leader saura favoriser le travail multidisciplinaire, veillera à briser les silos, facilitera le transfert de connaissances/compétences, établira un climat favorable à l’émergence d’idées nouvelles.

En conclusion, cette évolution est emballante et stimulante. Le recruteur de cadres est aux premières loges et demeure à l’affût des tendances. Il continuera de faire équipe avec les entreprises à la recherche de talents. Il exercera son rôle-conseil auprès des dirigeants. Et son intelligence émotionnelle prendra toute sa valeur dans un monde influencé par l’IA.

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